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« Les consommateurs ne veulent pas d’OGM dans leur assiette » n’est pas un bon mantra

Carte blanche d’Angela Bearth, EPF de Zurich

17.08.2021 – Depuis des années, l’argument selon lequel « les consommateurs ne veulent pas d’OGM dans leur assiette » est utilisé pour étouffer tout débat sur le génie génétique dans l’agriculture. En réalité, ce que les consommateurs veulent n’est pas clair et dépend, en outre, fortement de la nature du débat.

Carte Blanche / Angela Bearth
Image : NORDSTUDIO - Philippe Wiget

Cet article reflète l'opinion personnelle de l'auteure et ne correspond pas nécessairement à la position de la SCNAT.

Le moratoire sur le génie génétique en Suisse sera probablement prolongé une nouvelle fois cette année. Un argument majeur : le rejet par les consommateurs des denrées alimentaires génétiquement modifiées. En fait, l’attitude à l’égard de nouvelles technologies n’est pas aussi ferme, claire et immuable qu’on le prétend souvent.

Lorsque nous essayons d’évaluer de nouvelles technologies et leurs risques, nous nous fions souvent à ce que l’on appelle des heuristiques : des règles approximatives qui simplifient la prise de décisions dans une situation incertaine, mais qui risquent de biaiser les estimations. La maxime selon laquelle « le naturel est meilleur » en est un exemple. Elle suggère à tort que le caractère naturel est le gage d’une qualité supérieure, de plus de sécurité ou d’une meilleure santé. Il est intéressant de noter que les méthodes classiques de sélection végétale sont perçues comme plus naturelles et donc plus sûres que des méthodes récentes, telles que le génie génétique.

Le serpent se mord la queue

L’Union suisse des paysans écrit sur son site web qu’il n’y a pas de raisons valables d’autoriser la culture de plantes génétiquement modifiées tant que les consommateurs refusent ces produits. Cette déclaration est accompagnée de la photo d’un scientifique portant des lunettes et des gants, qui tient dans sa main une fraise dans laquelle il enfonce une seringue. De telles images symboles, qui illustrent fréquemment des articles de presse sur le génie génétique, activent en nous des heuristiques. Lorsqu’on demande à des consommateurs s’ils seraient prêts à manger une fraise génétiquement modifiée, le souvenir de ces images associées à des sentiments négatifs remonte de la mémoire. Il est compréhensible que cela conduise souvent à une attitude de rejet. Le serpent se mord la queue : l’Union suisse des paysans et d’autres acteurs promeuvent cette attitude négative auprès des consommateurs et s’y réfèrent ensuite dans le débat sur le moratoire.

De nombreuses études sont unilatérales

Des études dépassées ou fondées sur des méthodes et des données inappropriées sont souvent citées comme preuve de la faible acceptation par les consommateurs. Beaucoup de travaux se concentrent sur la perception des risques (avec des questions du genre « dans quelle mesure estimez-vous que le génie génétique est dangereux ? »), sans mettre ceux-ci en balance avec les avantages personnels et sociaux. Or les technologies innovantes ne sont pas utilisées parce que nous le pouvons, mais pour remplir un objectif spécifique. Il ressort de travaux de recherche que les gens sont prêts à accepter une petite part d’incertitude ou de risque s’ils y voient une utilité. Un exemple : si le génie génétique contribue à réduire l’utilisation de pesticides dans l’agriculture, cette technologie pourrait fort bien être acceptée.

Le moratoire sur le génie génétique a été décidé en Suisse en 2005. La société évolue, le génie génétique également. De nombreux nouveaux outils, plus précis, sont apparus dans le contexte de l’édition génomique. La législation ne fait pas la différence et soumet également ces nouveaux outils au moratoire. La population semble voir les choses de façon plus nuancée : des études récentes indiquent qu’elle s’ouvre à l’utilisation de l’édition génomique dans la sélection végétale. Nous assistons peut-être à la montée d’une nouvelle génération plus ouverte à des solutions innovantes pour répondre aux défis de société. Au lieu de répéter le mantra selon lequel tous les consommateurs rejettent le génie génétique, fondamentalement et indépendamment de la situation, il faudrait recueillir de nouvelles données sociologiques sur la perception de cette technologie par les consommateurs.

Le débat doit prendre un nouveau départ

Changements climatiques, pesticides, érosion de la biodiversité – l’agriculture, et avec elle la Suisse tout entière, sont confrontées à de grands défis. S’il importe de tenir compte des préoccupations et des doutes de la population à l’égard du génie génétique, il est essentiel également d’examiner sérieusement si et comment le recours à cette technologie dans la sélection végétale peut contribuer à des solutions. C’est ainsi seulement qu’un dialogue honnête et productif peut avoir lieu entre les scientifiques, les représentants des milieux intéressés et le public. Le débat doit, de toute urgence, prendre un nouveau départ. Les défis sont trop pressants pour que nous nous retranchions pendant des décennies derrière les mêmes vieux arguments.

Angela Bearth est sociologue au Département des sciences et technologies de la santé, à l’EPF de Zurich, et vice-présidente du Forum Recherche génétique de la SCNAT.

Auteurs : Dr Angela Bearth

Catégories

  • Génie génétique
  • Perception des risques

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Dr. Angela Bearth
ETH Zürich
Department Health Sciences and Technology (D-HEST)
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